Depuis quelques années, de nombreux pays se sont engagés dans des démarches répressives à l’encontre des contribuables qui ont dissimulé aux services fiscaux l’existence de leurs avoirs à l’étranger. L’OCDE a fait plusieurs déclarations desquelles il ressort que la notion de secret bancaire à des fins fiscales touchait à sa fin et qu’il était temps de s’engager en faveur d’un échange automatique de renseignements entre Etats.
Le principe de l’échange automatique de renseignements en matière fiscale a été approuvé au cours d’une réunion tenue à Paris avec 34 pays membres de l’OCDE.
Ces décisions font suite à diverses mesures et lois internes prises afin de lutter contre le blanchiment d’argent (cf. Directives européennes).
En France, ce sont les lois du 6 décembre 2013 n° 2013-1115 et n° 2013-1117 qui sont venues réformer la répression de la fraude fiscale et de la grande délinquance économique et financière.
Ces lois ont été complétées par une loi du 27 mai 2014 portant transposition de la directive n° 2012/13/UE du Parlement européen.
Tous ces textes qu’ils soient d’origine européenne ou d’origine française visent à rappeler le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt et la répression de la fraude fiscale laquelle cause un préjudice moral et financier à la société et est contraire au principe démocratique.
Ces initiatives ne sont pas seulement politiques et juridiques, les banques elles-mêmes situées dans les Etats appliquant le principe du secret bancaire, sous la pression européenne et américaine font elles-mêmes pression sur leurs clients titulaires de comptes non-déclarés en leur demandant instamment de régulariser leurs avoirs auprès des Etats dont ils sont résidents fiscaux.
Parallèlement à la promulgation de ces textes, le gouvernement français actuel a mis en place un processus de divulgation volontaire permettant au contribuable titulaire d’avoirs étrangers non déclarés, en prenant contact volontairement avec l’administration de déclarer ses avoirs et de signer avec l’administration une transaction dans la mesure où celle-ci a pu vérifier les informations qui lui ont été données.
Ce processus fait suite à la « cellule de régularisation » qui avait été mise en place courant 2009 par le Ministre Woerth.
La présente « cellule » a nettement plus de succès que la précédente puisqu’à la date de ce jour, plus de 25 000 dossiers ont été déposés, alors que la « cellule » de 2009 avait reçu les dossiers de 4 700 contribuables personnes physiques.
Il est manifeste que cette possibilité légale de régularisation permet à l’Etat français de percevoir des recettes fiscales importantes en utilisant des moyens limités.
1. Rappel des textes de droit pénal et de droit fiscal français
1.1 Sur le plan pénal, être en infraction avec une obligation déclarative ou avec une obligation de paiement peut être constitutif du délit de fraude fiscale.
L’article 1741 du Code général des impôts modifié par la loi n° 2013- 1117 du 6 décembre 2013 prévoit notamment que les contribuables en infraction avec les règles relatives aux comptes ouverts ou avec des contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger éventuellement en présence de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, Fiducie ou institution comparable établie à l’étranger, soit d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger soit d’un acte fictif ou artificiel ou de l’interposition d’un entité fictive ou artificielle sont passibles d’une amende de 500 000 euros et d’un emprisonnement de 5 ans, lesdites peines étant portées à 7 ans d’emprisonnement et à 1 000 000 d’euros d’amende lorsque les comptes ont été ouverts ou les contrats souscrits auprès d’organismes établis dans un Etat ou territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative depuis au moins 5 ans au moment des faits.
Les peines sont portées à 2 000 000 d’euros lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités grâce à des domiciliations fiscales fictives ou artificielles à l’étranger ou avec l’interposition d’entités fictives ou artificielles.
Par ailleurs il convient de rappeler que la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière a créé la juridiction du procureur de la République financier lequel devrait intervenir notamment en matière de fraude complexe commise en bande organisée.
Cette loi a également allongé de 3 à 6 ans le délai de prescription en matière de fraude fiscale.
Ladite loi renforce également le droit de communication de l’administration fiscale et notamment la possibilité pour elle d’utiliser des renseignements d’origine illicite.
1.2 Sur le plan Fiscal
Le Code général de impôts prévoit un arsenal de sanctions constitué notamment d’amendes fiscales, d’un droit de reprise qui peut être étendu jusqu’à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due ;
D’un risque de taxation des avoirs au taux de 60 %
- une majoration de 40 % pour manquement délibéré pouvant être portés à 80 % en cas de manœuvre frauduleuse,
- application de l’intérêt de retard autour de 0,4 % par mois, taxation sur une assiette de 125 %, sans abattement de 40 % des revenus issus de participations dans des structures financières établies dans des Etats à régime fiscal privilégié (article 123 bis du Code général des impôts).
2. Les principes généraux de la procédure de régularisation
2.1 Les textes en vigueur
C’est une circulaire du Ministre Bernard Cazeneuve en date du 21 juin 2013 intitulée « Traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l’étranger : transparence et droit commun » qui donne les bases du processus de régularisation.
En substance la circulaire précise:
- elle distingue les fraudeurs « actifs » des fraudeurs « passifs » qui ont par exemple « hérité d’avoirs non déclarés à l’étranger » la pénalité passant ainsi de 15 % pour les fraudeurs passifs à 30 % pour les fraudeurs actifs. De la même manière, l’amende annuelle pour défaut de déclaration des avoirs à l’étranger est plafonnée à 1,5 % pour les fraudeurs passifs et à 3 % pour les fraudeurs actifs,
- les dossiers sont déposés par les contribuables auprès de la Direction Nationale des Vérifications de Situations Fiscales (DNVSF) qui les transmet à un service dénommé : Service de Traitement des Déclarations Rectificatives (STDR),
- les dossiers sont traités individuellement par ce service. Les contribuables doivent s’acquitter au moment du dépôt du dossier du paiement intégral des impositions éludées et non prescrites. Les amendes et pénalités correspondantes sont payées au moment de la signature de la transaction,
- contrairement à la cellule de 2009, il n’y a pas d’anonymat et il n’est pas possible de « négocier » une transaction avec l’administration de manière anonyme. La déclaration du contribuable qui initie le processus doit être constituée soit du dossier des déclarations rectificatives, soit à défaut d’information sur le moment, d’une lettre indiquant en tout état de cause le nom et les coordonnées du déclarant, le nom de la banque et le numéro de compte ainsi que l’état de situation de ce compte,
- sont exclus de ce dispositif les contribuables qui font l’objet d’un examen de situation fiscale personnelle, d’un contrôle relatif aux droits d’enregistrement ou d‘une procédure engagée par l’administration portant sur les actifs et comptes non déclarés contenus à l’étranger,
- la circulaire expose les modalités pratiques de dépôt des dossiers ainsi que les conséquences fiscales de la démarche.
Une circulaire du même ministre en date du 12 décembre 2013 est venue confirmer les dispositions de la circulaire du 21 juin 2013 nonobstant la promulgation de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
Cette circulaire confirme l’application des conditions de la circulaire du 21 juin 2013 pour les déclarations effectuées à compter de la promulgation de la loi du 6 décembre 2013 et pour les déclarations effectuées à compter du 1er janvier 2014.
Il n’y a pas d’autre texte, les deux circulaires Cazeneuve n’ont fait l’objet d’aucun commentaire détaillé au Bulletin Officiel des Finances Publiques.
Les deux circulaires n’ayant pas vocation à traiter l’intégralité des situations soumises à l’administration, les contribuables aidés de leurs conseil doivent procéder à la constitution de leur dossier conformément aux dispositions légales et règlementaires en vigueur et au besoin avec l’aide du STDR dont les inspecteurs sont ouverts aux questions.
2.2. La pratique de l’application des circulaires
2.2.1. Il a été vu déjà que les contribuables faisant l’objet d’un contrôle fiscal ou douanier relativement à leurs avoirs non déclarés sont exclus expressément de la procédure.
Il en est de même lorsque les avoirs non déclarés ont pour origine une activité occulte qui est sanctionnée par l’application de la majoration de droits à concurrence de 80 %.
Le fait d’avoir déjà effectué une précédente procédure de régularisation sans avoir révélé la totalité de ses avoirs à l’étranger et le fait de présenter une justification insuffisante de l’origine de ces avoirs peut exclure l’application de la circulaire.
Le constat par l’administration d’autres délits que la fraude fiscale telles que des opérations de compensation, de blanchiment, d’abus de biens sociaux, ou toutes opérations susceptibles d’être signalées au parquet peuvent faire l’objet de poursuites pénales.
2.2.2. La distinction entre contribuable actif et contribuable passif (fraudeur actif ou passif dans les circulaires Cazeneuve).
Le cas classique du contribuable passif est celui qui a hérité un compte bancaire à l’étranger, qui n’a procédé à aucune alimentation de quelque nature que ce soit de ce compte, notamment par le versement de loyers perçus à l’étranger et qui a pu faire des retraits d’argent sans compensation et ce sous réserve de justifier la destination de ces retraits.
Dans la pratique le STDR contrôle lesdits retraits et se réserve de qualifier un contribuable d’actif dans la mesure où les retraits pratiqués par lui seraient trop importants eu égard au montant du capital détenu à l’étranger.
2.2.3. Les rappels d’impôt, d’amendes et pénalités entrainés par la procédure de déclaration.
1. Doivent-être réglés les droits en principal comme si ils avaient été payés aux époques concernées
- il s’agit de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux afférents au titre des années 2006 à 2013,
- de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2007 à 2014,
- des éventuels droits de succession ou de donations en cas de successions/donations survenues depuis le 1er janvier 2007,
- des intérêts de retard prévus par l’article 1727 du Code général des impôts au taux de 0,4 % par mois de retard soit 4,80 % par an,
- d’une amende pour non déclaration des avoirs à l’étranger prévue par l’article 1736 du Code général des impôts,
Il est dû une amende pour chaque compte déclaré et pour chaque année non prescrite.
Il convient de distinguer deux périodes :
Avant 2010, les amendes sont égales à 1 500 euros ou à 10 000 euros selon que le compte est localisé dans un ETNC (absence de convention d’assistance administrative). A compter de 2011, l’amende de 5 % de la valeur du compte au 31 décembre de l’année au titre de laquelle la déclaration devait être faite est plafonnée à 1,5 % pour les fraudeurs passifs et à 3 % pour les fraudeurs actifs.
Dans le cas où la régularisation est réalisée par les héritiers au nom du défunt, outre le paiement des droits de succession calculés sur les avoirs non déclarés, ces droits de succession seront assortis des seuls intérêts de retard.
Les pénalités de droit commun s’appliquent aux impositions supplémentaires dues par les héritiers au titre de leur propre situation sur la période postérieure au décès dans la mesure où ils n’ont pas déclaré lesdits avoirs hérités.
Une majoration pour manquement délibéré (article 1729 du Code général des impôts).
La majoration de 40 % est réduite à 15 % pour les fraudeurs passifs et à 30 % pour les fraudeurs actifs sachant que pour les primo déclarants à l’ISF, la majoration de 40 % n’est pas applicable, et qu’on applique une majoration de 10 %.
2. Plus particulièrement, l’administration accepte que les pertes sur cession de valeurs mobilières soit les moins-values constatées sur les ventes d’actifs étrangers soient compensées par les plus-values sur les cessions de valeurs mobilières effectuées en France et donc le report sur les années suivantes dans les conditions de droit commun.
Les éventuels impôts payés à la source à l’étranger sont déductibles comme les stricts droits de garde facturés par les banques.
Concernant l’impôt de solidarité sur la fortune, toutes les sommes dues au titre de la régularisation effectuée peuvent être portées au passif à l’exception des amendes fiscales.
3. Concernant les droits de mutation à titre gratuit, la prescription est acquise lorsque le décès du titulaire du compte est intervenu avant le 1er janvier 2007.
Dans le cas du décès du titulaire du compte postérieurement au 1er janvier 2007, les avoirs non déclarés doivent être régularisés par les héritiers au nom du de cujus et ce jusqu’à la date du décès.
Postérieurement à la date du décès, la régularisation doit être effectuée par les héritiers dans la mesure où ils sont devenus propriétaires desdits avoirs.
S’agissant des donations, la question est plus complexe en fonction de la date de décès du titulaire du compte, du degré de parenté des donataire, par rapport au titulaire du compte, de la qualité des divers donataires : usufruitier et nu-propriétaire…
La question des retraits importants opérés sur un compte peut donner lieu à des demandes d’explications de la part du STDR. Le traitement pourra être différent selon que le bénéficiaire et le titulaire du compte ont utilisé pour leur consommation personnelle lesdits retraits ou s’il a effectué des « dons manuels » auprès de bénéficiaires à identifier lesquels devraient être redevables de droits de donation.
2.2.4. La question particulière des structures interposées et de l’application des dispositions de l’article 123 bis du Code Général des impôts
De nombreux contribuables ont eu la mauvaise surprise de constater que leurs avoirs étaient détenus au travers d’une structure dite interposée c’est-à-dire d’une fondation située au Panama ou au Liechtenstein par exemple.
La législation du Ministre Woerth en 2009 avait décidé qu’en cas de régularisation, les contribuables devaient s’engager à liquider lesdites structures interposées avant de signer la transaction, cette liquidation étant une condition suspensive.
Par ailleurs la législation Woerth avait décidé de ne pas tenir compte de la fiscalité particulière attachée aux avoirs étrangers détenus au travers d’une structure interposée.
Le Ministre Cazeneuve a décidé au contraire que dans la mesure où des avoirs étrangers non déclarés étaient détenus au travers de structures interposées, il fallait appliquer les dispositions particulières de l’article 123 bis du Code général des impôts ainsi que d’autres textes tels que l’article 39, 1, 3e du Code général des impôts et de l’article 120, 9e du Code général des impôts.
Cette fiscalité particulière entraîne un alourdissement notable des impôts à payer dans la mesure où ladite entité juridique est établie dans un Etat non coopératif ou n’ayant pas signé une convention d’assistance administrative avec la France et dans la mesure où ledit montage peut être considéré comme constitutif d’un montage artificiel dont le but est de contourner la législation fiscale.
Globalement les revenus de ces structures sont imposables en tant que revenus de capitaux mobiliers selon une assiette de 125 % et sans l’application de l’abattement de 40 %.
Se pose la question de la comptabilisation de ces revenus puisque dans la plupart des cas, aucune comptabilité, aucun bilan n’ont été tenus.
Ainsi l’administration considère que pour une structure située dans un Etat n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France ou qui est non coopératif, il convient de comptabiliser un revenu imposable de la personne physique qui ne peut être inférieur au produit de la fraction de l’actif net ou de la valeur nette des biens de l’entité en cause sous déduction de l’impôt acquitté à l’étranger par le taux de déductibilité des intérêts des comptes courants associés (article 39-1e 3 du Code général des impôts) ledit produit étant majoré du coefficient de 1,25.
Le traitement des revenus de ces structures pose de nombreux problèmes dans la mesure où les dossiers comptables et juridiques de ces structures sont en général vides.
Les bénéfices de la structure sont réputés distribués au détenteur des droits c’est-à-dire le contribuable personne physique.
Bien que l’administration ne demande pas au contribuable déclarant, la mise en liquidation desdites structures, celle-ci est conseillée. La prescription triennale s’applique. Ainsi pour une structure liquidée en 2009, la prescription triennale est acquise et il n’y aura donc pas de taxation du boni de liquidation.
En cas d’engagement du processus de liquidation avant le 31 décembre 2013, il sera admis que l’article 123 bis ne s’appliquera pas au titre de 2014.
En cas de liquidation, le boni taxable s’entend de la différence entre le produit net de la liquidation et d’autre part le montant de l’apport réel ou assimilé. Ce boni taxable est déterminé après déduction des revenus de capitaux mobiliers.
On constate que la liquidation de ces structures en cas de constat d’un boni de liquidation est délicate et peut être lourde de conséquences fiscales l’année de la distribution du boni ou du retrait.
En cas de mali de liquidation, il n’y a pas de déclaration à effectuer ni de taxation évidemment, mais ce mali ne devrait pas être compensable.
En conclusion, il est conseillé aux contribuables titulaires d’avoirs non déclarés à l’étranger de déclarer ceux-ci d’une part en raison des avantages certains offerts par les circulaires Cazeneuve et d’autre part en raison des conséquences fiscales aggravées et pénales en cas de découverte par l’administration de ces avoirs.
Cette régularisation spontanée offre en outre la possibilité d’utiliser les fonds librement en les laissant même à l’étranger si tel est le choix.
Cette démarche ne devrait pas être différée car chaque année supplémentaire entraîne des pénalités et amendes qui continuent à courir.
Enfin, les dispositions prises par les Etats pour arriver à des échanges automatiques d’informations militent en faveur de ces déclarations.
Olivier Hoebanx