Le gouvernement français a récemment confirmé sa volonté de réécrire entièrement le Code du travail, tant décrié par les entreprises pour son manque de flexibilité et d’adaptation à leurs contraintes. Nous vous présentons ci-après les principales dispositions de l’avant projet de loi « El Khomri » présenté le 17 février dernier comme le texte posant les bases de la réécriture du Code du travail :
Assouplissement de la durée du travail
Sans modifier la durée légale du travail, qui resterait fixée à 35 heures par semaine, de nombreuses dispositions nouvelles assoupliraient les règles actuelles en matière d’organisation du temps de travail :
- Les entreprises de moins de 50 salariés pourraient conclure directement avec leurs salariés des conventions de forfait en jours ou en heures sur l’année et ce, sans avoir besoin d’accord collectif. Permettre ainsi aux petites et moyennes entreprises d’avoir facilement accès à des dispositifs de temps de travail flexibles constituerait une avancée majeure vers davantage de souplesse et de sécurité juridiques pour les entreprises.
- La durée maximale de travail hebdomadaire resterait fixée à 48 heures, mais passerait à 44 heures sur une période quelconque de 16 semaines consécutives (au lieu de 44 heures maximum sur 12 semaines consécutives). En outre, un simple accord d’entreprise (ou, à défaut, de branche) pourrait rehausser cette seconde limite à 46 heures.
- Le taux de majoration des heures supplémentaires serait fixé en priorité par accord d’entreprise (et non plus en priorité par convention ou accord de branche), et ce afin d’inciter les entreprises à conclure des accords d’entreprise sur la durée du travail. Comme à l’heure actuelle, ce taux ne pourrait être inférieur à 10%.
- Un accord collectif (d’entreprise ou, à défaut, de branche) pourrait organiser le temps de travail sur une période de 3 ans (contre un an maximum à l’heure actuelle).
- En l’absence d’accord collectif, les entreprises de moins de 50 salariés pourraient organiser leur temps de travail sur 16 semaines consécutives (contre 4 semaines maximum à l’heure actuelle).
Encadrement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Tandis que la législation actuelle ne prévoit aucun maximum concernant le montant des dommages et intérêts que le juge prud’homal peut accorder en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le futur Code du Travail entend encadrer la pratique des juges en ce domaine, mesure très attendue par le patronat afin de lui donner davantage de visibilité quant aux coûts d’un licenciement :
- Le juge devrait respecter un maximum variant selon l’ancienneté du salarié dans l’entreprise (sans tenir compte de la taille de l’entreprise) et s’échelonnant entre 3 mois de salaire (si l’ancienneté est inférieure à 2 ans) et 15 mois (en cas d’ancienneté supérieure à 20 ans). Des cas de dérogation au barème seraient néanmoins aménagés, notamment en présence d’harcèlement moral ou sexuel ou de licenciement discriminatoire.
- Le montant minimum de l’indemnité due en cas de nullité du licenciement pour absence ou insuffisance du Plan de Sauvegarde de l’Emploi serait ramené de 12 à 6 mois de salaires et ce minimum serait en outre écarté en cas d’ancienneté du salarié inférieure à 2 ans.
- Dans le même sens, le montant minimum de l’indemnité accordée en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à l’inaptitude serait également ramené de 12 à 6 mois de salaires.
Sécurisation des licenciements pour motif économique
Plusieurs nouveautés permettraient une sécurisation accrue des réorganisations pour motif économique :
- La définition du licenciement économique engloberait notamment la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires constatée pendant un certain temps comme critère d’appréciation des difficultés économiques.
- Afin de mieux prendre en compte la situation du marché français, en cas d’appartenance de l’entreprise à un groupe, l’appréciation des difficultés se ferait au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe (et non plus à l’échelle internationale). Cette nouveauté, qui marquerait la fin d’une exception française dans la manière d’appréhender ce sujet, est réclamée depuis longtemps par les grands groupes. Elle permettrait aux entreprises rencontrant des difficultés économiques en France de se réorganiser sur le sol français, même si leur situation à l’international est satisfaisante. Il s’agirait d’une innovation majeure susceptible de rassurer les investisseurs étrangers.
En conclusion, ces mesures visent à donner davantage de place à la négociation collective. Surtout, elles vont incontestablement dans le sens d’une meilleure prise en compte par le droit du travail français des contraintes qui affectent les entreprises présentes sur le sol français, sans pour autant renoncer à la nécessaire protection des salariés.
Dr Aymeric Le Goff, Constance Koch