Dans le prolongement du décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 « relatif aux obligations d’action de réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire » (dit « décret tertiaire »), un arrêté récemment publié doit permettre aux acteurs concernés de disposer de données concrètes pour mettre en œuvre leurs objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale. Un bref rappel du cadre applicable et des obligations que devront remplir, à brève échéance, les opérateurs.
C’est peu dire que l’arrêté du 24 novembre 2020 « modifiant l’arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d’actions de réduction des consommations d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire », publié au Journal Officiel de la République française le 17 janvier 2021, marque une étape essentielle pour tous les opérateurs auxquels s’applique le « décret tertiaire ».
Pour mémoire, l’article L. 111-10-3 du Code de la Construction et de l’Habitation prévoit l’obligation de mettre en œuvre, au sein des bâtiments tertiaires ainsi que des parties tertiaires d’ensemble de bâtiments à usage « mixte », des mesures visant à réduire la consommation énergétique finale de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à une année dite « de référence », qui ne peut être antérieure à 2010. A titre d’alternative, les opérateurs concernés peuvent décider de se soumettre à des objectifs de réduction fixés par voie d’arrêtés « en valeurs absolues » et calculés selon la consommation énergétique finale des bâtiments nouveaux de la même catégorie.
Cette obligation vise les bâtiments ou parties de bâtiment accueillant des activités « tertiaires », catégorie définie dans l’arrêté du 24 novembre 2020 par opposition aux activités primaire et secondaire, et dès lors que la surface de plancher de ces bâtiments est supérieure ou égale à 1 000 m². Elle s’applique donc, notamment, aux entrepôts logistiques, aux immeubles de bureau, aux bâtiments des collectivités publiques, aux établissements de santé et aux commerces et magasins.
Toujours aux termes de l’article L. 111-10-3 du Code de la Construction et de l’Habitation, les objectifs peuvent être modulés en tenant compte, par exemple, de contraintes techniques ou architecturales ou bien de « coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale ».
A la suite de l’arrêté du 10 avril 2020, l’arrêté du 24 novembre 2020 présente l’intérêt de définir les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale « en valeur absolue » pour de nombreuses catégories d’activité, permettant ainsi aux opérateurs de passer à la phase concrète des actions de réduction.
Pour rester très schématique, l’objectif de consommation maximale d’énergie finale est exprimé en kWh/an/m² et est la somme de deux composantes dites d’« usage » de l’énergie :
- La composante de la « consommation énergétique relative à l’ambiance thermique générale et à la ventilation des locaux » (« CVC »), dépendante essentiellement de la zone climatique et de l’altitude du bâtiment ou de la partie de bâtiment concerné ;
- La composante de la « consommation énergétique relative aux usages spécifiques énergétiques propres à l’activité ainsi qu’aux autres usages immobiliers tels que la production d’eau chaude sanitaire et d’éclairage » (« USE »).
Concrètement, la mise en œuvre du « décret tertiaire » repose en premier lieu sur une obligation déclarative assignée aux opérateurs concernés, bailleurs ou locataires.
Ces derniers auront intérêt à définir, dans le contrat de bail ou par avenant à celui-ci, la ou les personnes spécifiquement chargées de procéder aux déclarations, étant précisé que le « décret tertiaire » (dispositions codifiées aux articles R. 131-41 et R. 131-41-1 du Code de la Construction de l’Habitation) vise le « bailleur et, le cas échéant, le preneur à bail » comme auteurs de la déclaration et les incite justement à aménager leur relation contractuelle sur ce point, tout en leur donnant la possibilité de déléguer cette responsabilité à un tiers, par exemple au gestionnaire du réseau de distribution d’énergie.
Le contenu de cette déclaration, qui doit être réalisée chaque année sur la plateforme en ligne OPERAT[1] (mise en place par l’ADEME), est important, mais deux éléments doivent particulièrement retenir l’attention :
- La déclaration doit porter sur « les consommations annuelles d’énergie par type d’énergie, des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments »;
- Pour les opérateurs ayant décidé de fixer leurs objectifs de réduction « en valeurs absolues », cette déclaration doit également contenir l’année de référence choisie et la consommation énergétique de référence
L’essentiel des textes normatifs étant entrés en vigueur, l’attention des opérateurs est attirée sur le fait que ceux-ci ont jusqu’au 30 septembre 2021 pour transmettre leurs données relatives à l’année 2020.
Une précision importante a été apportée sur ce point par l’arrêté du 24 novembre 2020 : compte tenu de la situation sanitaire sur l’année civile écoulée, il est précisé que la consommation énergétique de référence pourra être déclarée jusqu’au 30 septembre 2022, « en s’appuyant sur une année pleine d’exploitation comprise entre 2010 et 2020 comportant 12 mois consécutifs », 2020 n’étant pas considérée comme une année de référence.
En revanche, l’arrêté n’apporte aucune modification chronologique à l’obligation de déclaration de la consommation énergétique du bâtiment considéré, de sorte qu’un double délai s’appliquerait :
- Jusqu’au 30 septembre 2021 pour la déclaration de la consommation énergétique du bâtiment ;
- Jusqu’au 30 septembre 2022 pour la déclaration de l’année de référence et de la consommation énergétique de cette année de référence.
Si les sanctions « financières » attachées au non-respect de ces obligations déclaratives et, plus largement, de non-atteinte des objectifs de réduction de la consommation énergétique finale peuvent paraître limitées[2], il convient toutefois de noter qu’un mécanisme de « name et shame » est prévu par le « décret tertiaire ».
Plus généralement, compte tenu en particulier de la complexité du mode de calcul des consommations d’énergie finale « en valeur absolue », il ne faut pas tarder à mettre en place les outils de mesure nécessaires et, pour ceux des opérateurs qui ne disposeraient pas de services administratifs dédiés, à prendre attache avec les fournisseurs de solutions, juridiques et techniques, répondant aux objectifs du « décret tertiaire ».
[1] Observatoire de la Performance Energétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire.
[2] Amende administrative d’un montant de 1.500 euros pour les personnes physiques, 7.500 euros pour les personnes morales au maximum.