L’Allemagne étant le premier partenaire économique de la France, environ 350.000 salariés de nationalité allemande sont détachés chaque année en France. Cependant, les obligations pesant sur les entreprises procédant au détachement de salariés en France ou recourant au service de salariés étrangers détachés en France viennent d’être considérablement renforcées, notamment par un décret du 30 mars 2015 dit de lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs venant compléter une loi du 10 juillet 2014 contre la concurrence sociale déloyale. Voici un aperçu des principales dispositions applicables.
1. Les documents à conserver en cas de contrôle
Les entreprises détachant des salariés en France doivent présenter à l’inspection du travail en cas de contrôle un certain nombre de documents. Ces documents doivent par conséquent être conservés sur le lieu de travail du salarié détaché ou, en cas d’impossibilité matérielle, dans un autre lieu accessible à son représentant.
Il s’agit, pour vérifier les informations relatives aux salariés détachés :
- de l’autorisation de travail,
- de l’examen médical préalable,
- des bulletins de paie pour les salariés dont la durée de détachement est supérieure ou égale à un mois,
- des documents attestant du versement d’un salaire minimum,
- des périodes et horaires de travail,
- des documents attestant des congés et jours fériés et des éléments de rémunération s’y rapportant,
- des conditions d’assujettissement aux caisses de congé et intempéries,
- de la convention collective applicable,
- des documents attestant du respect de la rémunération minimale pour les salariés dont la durée de détachement est inférieure à un mois,
- de tout document attestant du paiement effectif du salaire,
- d’un relevé d’heures indiquant le début, la fin et la durée du temps de travail journalier de chaque salarié,
- de la copie de la désignation par l’employeur de son représentant,
Pour s’assurer de l’exercice d’une activité réelle et substantielle de l’employeur dans l’Etat dans lequel il est établi, il s’agit :
- du document attestant de la régularité de sa situation sociale, lorsque l’entreprise est établie en dehors de l’Union européenne,
- du contrat de travail ou de tout autre document attestant du lieu de recrutement du salarié et du droit applicable à la relation contractuelle,
- de tout document attestant du nombre de contrats exécutés et du chiffre d’affaires de l’entreprise dans son pays d’établissement et en France.
2. La désignation d’un représentant de l’entreprise en France
L’employeur doit impérativement au préalable désigner un représentant pour la France. La désignation de ce représentant doit comporter ses nom, prénoms, date et lieu de naissance, coordonnées téléphoniques, adresse électronique et postale en France.
Par ailleurs, la désignation indique l’acceptation par l’intéressé de sa désignation ainsi que la date d’effet et la durée de sa désignation, laquelle ne peut excéder la période de détachement. Elle doit être traduite en français et indiquer le lieu de conservation des documents précités.
3. La déclaration de détachement
La déclaration de détachement que l’entreprise doit adresser à l’Inspection du travail préalablement au détachement doit désormais comporter davantage d’informations, notamment relatives à l’entreprise, à l’organisme auquel elle verse des cotisations de sécurité sociale, aux lieux où s’exerce le détachement, au représentant de l’entreprise en France, à l’identité des salariés détachés et à leurs lieux d’hébergement ainsi qu’à la prise en charge des frais de voyage, de nourriture ou d’hébergement des salariés détachés.
En outre, les déclarations de détachement de tous les salariés détachés doivent être annexées au registre unique du personnel, tenu à la disposition des délégués du personnel et des contrôleurs dans l’établissement ou sur chaque chantier ou lieu de travail distinct de l’établissement. Cette obligation est sanctionnée d’une contravention pouvant aller jusqu’à 3.750 euros par salarié détaché dont la déclaration de détachement n’a pas été annexée au registre unique du personnel.
Enfin, il est prévu pour les salariés du Bâtiment et des Travaux Publics la délivrance obligatoire d’une carte d’identification professionnelle comportant un certain nombre de mentions.
4. Le renforcement du rôle des maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordres
Le décret impose aux donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage de demander au sous-traitant avant le détachement une copie de la déclaration de détachement et une copie du document désignant le représentant de l’entreprise, afin qu’ils s’assurent que le sous-traitant respecte bien ses obligations.
De plus, les maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre, qui ont l’obligation de faire cesser toute situation de non-respect des règles relatives au détachement, doivent le cas échéant faire injonction au sous-traitant de faire cesser le trouble. A compter de cette injonction, le soustraitant a sept jours pour informer le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre des mesures prises, afin qu’il soit en mesure de transmettre l’information à l’agent de contrôle.
A défaut de procéder à ces diligences, les donneurs d’ordres et maîtres d’ouvrage s’exposent à être condamnés solidairement avec le sous-traitant contrevenant.
Les donneurs d’ordres ont également une obligation de vigilance à l’égard de leurs cocontractants en matière de déclaration et de paiement des cotisations à l’URSSAF.
L’obligation de demander une attestation de vigilance délivrée par l’URSSAF est désormais obligatoire pour tout contrat d’un montant de 5.000€ contre 3.000€ auparavant.
Enfin, les donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage, qui sont débiteurs d’une obligation de vigilance en matière de compatibilité avec la dignité humaine de l’hébergement des salariés détachés, doivent être informés dans les 24 heures de la réception de l’injonction des mesures prises par l’entreprise pour faire cesser le trouble. Ils doivent ensuite en référer à l’administration et peuvent être amenés à remédier à la situation à défaut pour l’entreprise sous-traitante de s’en charger.
5. Le renforcement des sanctions encourues
Parmi les nombreuses sanctions, il est prévu une amende d’un montant maximal de 1.500 euros (3.000 euros en cas de récidive) à l’égard des maîtres d’ouvrages et donneurs d’ordres qui, en dépit d’avoir été informés d’une infraction à la réglementation, commise par l’employeur du salarié détaché, n’ont pas enjoint ce dernier de faire cesser la situation dans le délai imparti ou n’ont pas informé le contrôleur de l’absence de réponse de l’employeur dans le délai imparti.
De plus, le préfet peut décider d’une fermeture administrative de l’entreprise contrevenante pendant une durée maximum du trois mois ou d’une exclusion de celle-ci des contrats administratifs.
Le renforcement des sanctions administratives s’accompagne d’éventuelles sanctions pénales au titre du délit de travail dissimulé ou du délit de prêt de main d’oeuvre et marchandage pour les employeurs et en tant que complice ou co-auteur pour les maîtres d’ouvrage ou donneurs d’ordres. Ce délit peut ainsi être puni jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende.
Enfin, les syndicats peuvent exercer en justice toutes les actions en faveur des salariés concernés.
Conclusion
Les entreprises procédant au détachement de salariés en France ou recourant au service de salariés étrangers détachés en France doivent désormais respecter un certain nombre d’obligations nouvelles dont le non-respect est très lourdement sanctionné. Les entreprises concernées ont donc intérêt à s’assurer du plein respect de la nouvelle réglementation afin d’éviter de lourdes sanctions administratives et pénales et de voir leur responsabilité engagée.
Dr. Aymeric Le Goff, Constance Koch